Charles Friedel, éléments d'histoire
Charles Friedel (1832- 1899) était un éminent chimiste et un minéralogiste français. Il fut notamment le fondateur de l'Institut de chimie de Paris. Il est principalement connu pour avoir décrit, avec James Mason Crafts (1839- 1917), le procédé général d'alkylation et acétylation du benzène, nommé réaction de Friedel et Crafts.
Jeunesse et formation
Charles Friedel naît le 12 mars 1832 à Strasbourg dans une famille bourgeoise où la science occupe une place prépondérante. Son grand-père maternel, Georges Duvernois, est un professeur renommé du Museum d’histoire naturelle et son père, banquier, est un esprit de son temps, épris des avancées vertigineuses de la science.
Très bon élève, Charles fait ses études secondaires au Gymnase protestant de Strasbourg. Excellent en lettres et en langues, il passe le baccalauréat de lettres en 1849, puis prépare le baccalauréat de sciences physiques auquel il est reçu avec « distinction » en 1850.
Une carrière entre chimie et minéralogie
Le jeune Charles Friedel est admis à la Faculté des sciences de l’Université de Strasbourg, où il suit simultanément les cours de chimie et de minéralogie. Après une année d’interruption durant laquelle il travaille pour son père, il décide de reprendre ses études et s’installe à Paris, chez son grand-père, qui occupe l’appartement du Muséum où vécut Buffon à partir de 1739.
En 1854, Charles Friedel obtient sa licence de mathématiques à la Sorbonne et intègre le laboratoire de chimie de l’École de médecine, dirigé par Charles Adolphe Wurtz, lui aussi strasbourgeois, et avec lequel il se lie d’amitié. En parallèle, une place de préparateur lui est offerte par Dufrenoy, professeur de minéralogie et directeur de l’École des mines (aujourd'hui Mines ParisTech, membre de PSL), qui le promeut l’année suivante conservateur du Musée de minéralogie de l’École. Durant plusieurs années, il se partage entre les deux disciplines et mène de front des travaux sur les corps cétoniques, les acides lactiques, la structure organique du silicone (notamment avec James Mason Craft), les cristaux de zircone, ou encore la pyroélectricité des minéraux. En 1871, il parviendra même à synthétiser de la glycérine à partir de polypropylène.
En 1869, Charles Friedel soutient deux thèses, l’une en chimie (« Recherche sur les acétones et les aldéhydes ») et l’autre en minéralogie (« Sur la pyroélectricité dans les cristaux conducteurs de l’électricité »). À ce stade de sa carrière, il a déjà publié une cinquantaine d’articles. En 1871, il est nommé maître de conférences en minéralogie à l’École normale supérieure (aujourd'hui membre de PSL), en remplacement d’Alfred Des Cloizeaux, puis, en 1876, il obtient la chaire de minéralogie de la Sorbonne. Il y entretient et développe la magnifique collection existante et découvre des espèces nouvelles dont la « wurtzite », ZnS, ainsi nommée en hommage à son maître.
La réaction de Friedel et Crafts
La collaboration de Friedel avec James Mason Crafts bénéficie des séjours réguliers de celui-ci à Paris, de 1874 à 1891. Après la chimie du silicium, ils découvrent, un peu par hasard, l’effet catalytique du chlorure d’aluminium. Ils l’appliquent alors au couplage d’un noyau benzénique et d’un radical organique. Le résultat est ainsi formulé : C6H6 + R—Cl ------ C6H5R + HCl.
C’est en 1877 qu'est officiellement publiée cette méthode d'alkylation et acétylation du benzène, qui rend Friedel célèbre. Cette réaction, connue des chimistes sous le nom de « réaction de Friedel et Crafts », est une réaction-clé de la chimie organique. Elle est appliquée à la synthèse de colorants et substances actives, mais aussi en raffinage pour le craquage des coupes lourdes du pétrole. La prestigieuse médaille Davy est remise à Charles Friedel en 1880 pour ses travaux de chimiste.
Recherches et missions ultérieures
Ces recherches donnent à Friedel l'occasion d'étudier un grand nombre de composés renfermant trois atomes de carbone dans leur molécule, et de définir leurs cas d'isomérie. Il parvient ainsi à attribuer une constitution rationnelle à leurs formules, d'après leurs principales réactions. En collaboration avec Roberto Duarte Silva, il parvient à réaliser la synthèse complète de la glycérine que Wurtz avait amorcée. L'une des découvertes les plus importantes de Friedel est la production de combinaisons du silicium avec l'hydrogène et l'oxygène. Jean-Baptiste Dumas, après avoir déterminé les densités de vapeur, avait déjà affirmé les analogies chimiques du silicium et du carbone.
Friedel, avec la collaboration de J. M. Crafts, a fondé toute une chimie organique du silicium dont les termes pourraient être étendus presque indéfiniment. Ainsi, le silico-chloroforme et l'acide silico-oxalique, par exemple, ne diffèrent du chloroforme et de l'acide oxalique qu'en ce que le silicium y lient la place du carbone.
En 1884, lorsqu’Adolphe Wurtz décède, Charles Friedel exprime le souhait d'occuper la chaire de chimie organique. Sa nomination a lieu en décembre 1884 après d’âpres discussions et manœuvres : la chimie organique est en concurrence avec la chimie minérale, et la polémique sur la théorie atomique (dont Friedel était l’un des défenseurs) bat son plein. Friedel hérite d’abord du laboratoire de Wurtz dans les locaux provisoires de la Faculté des Sciences, avenue de l'Observatoire, puis, en 1896, lorsque ceux-ci sont reconstruits à la Sorbonne, il garde ce laboratoire pour former à l’industrie des ingénieurs chimistes. Ce laboratoire prend le nom d’« Institut de chimie appliquée » puis celui d'« Institut de chimie de Paris ». En 1896, il devient directeur de ce qui deviendra l’École nationale supérieure de chimie de Paris, aujourd'hui connue sous le nom de Chimie ParisTech (membre de PSL). Si ses travaux scientifiques l’ont pleinement occupé durant sa carrière, Charles Friedel s’est également fortement impliqué dans l'enseignement supérieur, puisqu’il compte aussi au nombre des fondateurs de l’École alsacienne de Paris (1874).
À cette époque, Friedel collabore avec Émile-Edmond Sarasin à l’étude de la synthèse de minéraux. En 1893, il tente en outre de fabriquer du diamant, mais l'expérience échoue…
Charles Friedel meurt à Montauban en 1899.
Les collections
Le fonds « Charles Friedel : cahiers de laboratoire et correspondance », exposé de façon permanente à la bibliothèque de Chimie ParisTech, est accessible en ligne dans la bibliothèque numérique de PSL-Explore.
On y trouve d’abord quinze carnets de laboratoire. Dans ces carnets, le lecteur voit la science en train de se faire : le chimiste y expérimente, corrigeant et rectifiant ses propositions. Le public peut ainsi découvrir la description de l'action du chlorure de méthyle, abondamment illustrée, mais aussi la transcription de protocoles et de comptes-rendus d’expériences diverses, des schémas et des équations et, parfois, des suites de calculs... dont l’interprétation reste cependant difficile !
Divers documents sur feuillets volants ont en outre été découverts, glissés dans les couvertures de ces carnets, et viennent compléter ce corpus : quelques lettres, une série de clichés effectués au microscope, le compte rendu de l’expérience dite « des papillons » de Montdésir et Schloesing et des brouillons de textes scientifiques, communications et articles. Plusieurs graphies se retrouvent dans ces documents et l’identification n’en est, malheureusement, pas toujours certaine.
Pour voir la collection complète à la bibliothèque :
Le fonds Friedel est accessible à tous les étudiants et chercheurs de PSL à la bibliothèque de Chimie ParisTech (Voir les horaires et coordonnées ici). Tous les documents ne sont pas exposés à la bibliothèque mais ils sont accessibles à la consultation sur demande auprès de la bibliothécaire Mélinda Toen <melinda.toen[a]chimie-paristech.fr>.
Ce focus a été rédigé par Mélinda Toen (bibliothèque de Chimie ParisTech) et la Direction des Ressources et Savoirs de PSL.