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L’arsenic contre la leucémie

Diffusion des savoirs
05 octobre 2021
Collège de France - PSL

A l'occasion de la Fête de la Science 2021, les chercheurs de l'association ChaDoCs (Chercheurs Associés et Doctorants du Collège de France) ont organisé des conférences en ligne du lundi 4 octobre au vendredi 8 octobre et des activités en présentiel le 9 octobre. Rencontre avec Pierre Bercier, doctorant au Collège de France

Au Collège de France, institution mythique qui a accueilli des professeurs emblématiques depuis sa création en 1530, près de 250 doctorants mènent leurs travaux, dans toutes les disciplines scientifiques : sciences dites dures ou expérimentales, sciences humaines et sociales, histoire et archéologie.

Parmi ces acteurs, Pierre Bercier est doctorant au CIRB (Centre interdisciplinaire de recherche en biologie), et préside l’association des jeunes chercheurs « ChADoC » investie en particulier dans les activités de médiation du Collège de France, tant en interne que vers le grand public.

Partagée entre une équipe au collège de France et une autre à l’Hôpital Saint-Louis, l’équipe dans laquelle Pierre Bercier réalise sa thèse s’intéresse à une leucémie particulière : la LAP (leucémie aiguë promyélocytaire), une forme agressive de cancer due à une mutation unique qui va provoquer l’invasion de cellules immatures dans le sang.

Pierre Bercier CDF
Pierre Bercier, doctorant au Centre interdisciplinaire de recherche en biologie et président de l'association ChADoC au Collège de France.
Photo : Y. Plantier - PSL

Pierre Bercier s’intéresse tout particulièrement à une protéine située dans le noyau : la protéine PML, codée sur le chromosome 15 de l’être humain. En pratique, dans le cas de la LAP, les scientifiques ont observé que cette protéine impliquée dans de nombreuses activités cellulaires n’était pas exprimée correctement.

A l’intérieur du noyau des cellules, cette protéine forme normalement des sortes de coques appelées corps nucléaires PML, dans lesquelles d’autres protéines se concentrent, ce qui active des fonctions cellulaires importantes. Pour autant, dans le cas de la LAP, cette formation n’a pas lieu, et les cellules restent immatures. Un traitement efficace réside dans l’utilisation à faible dose d’arsenic. En effet, ce composé présente une affinité particulière avec un acide aminé très présent dans la protéine PML, la cystéine. En présence d’arsenic, les protéines PML diffuses vont se concentrer pour recréer des coques dans les cellules, recruter d’autres protéines qui vont se trouver activées, et provoquer la mort cellulaire. Utilisé au sein d’une combinaison de traitements, l’arsenic permet de traiter 98% des patients sans rechutes.

« Dans les cellules non cancéreuses, ces structures sont des sortes de hub d’interconnexion. Elles répondent aux agressions et vont activer des protéines partenaires concentrées à l’intérieur de la coque. Je m’intéresse en particulier aux liens entre le stress oxydant et la formation des corps nucléaires PML », explique le chercheur.

Cette recherche fondamentale pour comprendre les mécanismes profonds qui régissent le comportement de la protéine PML et la formation des corps nucléaires PML pourrait également avoir des implications pour d’autres types de cancer dans lesquels cette protéine est impliquée.

Parler de sciences, un devoir du chercheur.

Président de l’association des jeunes chercheurs du Collège de France, Pierre est particulièrement investi dans la médiation scientifique. Il organise notamment des séminaires de présentation pour les jeunes chercheurs, toutes disciplines confondues. Certains sont ensuite choisis pour donner des séminaires grand public.

Chaque année, l’association participe également aux différents évènements de médiation, comme la Fête de la Science. Cette année, Pierre présentera un stand qui parlera du cancer de manière générale, c’est-à-dire comment les agressions sur les cellules (tabac, pollution etc) engendrent des mutations, qui vont permettre la prolifération de cellules dysfonctionnelles au détriment de cellules saines.

« Nous avons toujours beaucoup de questions, et le cancer est un sujet qui suscite sans cesse des interrogations. En tant que chercheur, je vois trois intérêts majeurs à se prêter à ce genre d’exercice : d’abord c’est une manière de réfléchir à une explication « simple » à des phénomènes souvent très complexes. Ensuite, c’est aussi une mission du chercheur à part entière, participer à la science « citoyenne » et expliquer comment est employé l’argent public. Pour finir, avec la période de défiance que nous traversons en ce moment envers la science, il est important de renouer le dialogue », conclut-il.