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L'exigence d'intégrité scientifique

01 septembre 2022

L'intégrité scientifique est un principe fondamental de l'activité de recherche qui permet d'en garantir la rigueur. Elle est une condition pour fonder la confiance de la société et du grand public dans les résultats de la science. Elle impose une vigilance dans la conduite des recherches et s’appuie aujourd’hui sur un cadre renforcé, des formations, des référents et des outils qui aident à maintenir cette exigence essentielle pour la science comme pour la société.

Un cas d’école : l’affaire Wakefield.

En 1998, Andrew Wakefield, chirurgien britannique, publie une étude dans le prestigieux journal scientifique “The Lancet”. L’étude prétend démontrer le lien entre le vaccin ROR et l’apparition de troubles du spectre autistique.

Très médiatisée, la parution de l’article est suivie d’une nette diminution du taux de vaccination dans le pays et la rougeole regagne du terrain, alors qu'elle était sur le point de disparaître.

La publication de cette étude a eu de graves conséquences sur la santé publique. Or elle cumulait plusieurs manquements aux principes d'intégrité scientifique : financement de l’étude par un groupe alors en procès contre un fabricant de vaccins, modification volontaire des données, échantillon trop faible, recherche orientée.... Malgré des critiques exprimées dès sa parution et des années durant, il a fallu attendre 2010 pour que le journal The Lancet retire l’article.

Capture Lancet
Capture de l'article rétracté

Cette affaire illustre les méfaits possibles d’une recherche parfois défaillante. Pour prévenir ce type de dérives et garantir la confiance dans la science, la communauté scientifique réaffirme aujourd’hui les valeurs de l’intégrité scientifique à travers plusieurs textes de référence. On peut citer notamment  :

En France, l’intégrité scientifique est définie dans le code de la recherche (article L. 211-2). L’Office français de l’intégrité scientifique (Ofis) contribue à la définition d’une politique nationale de l’intégrité scientifique, et accompagne tous les acteurs qui concourent au respect des règles garantissant une activité de recherche honnête, rigoureuse, fiable et crédible.  Le site de l'Ofis propose des ressources dédiées à ces questions.

En décembre 2021, la France publie un décret imposant la mise en place d’un ensemble de dispositifs destinés à garantir l’intégrité scientifique au sein des établissements de recherche. Un arrêté du 26 août 2022 vient préciser les modalités de délivrance du doctorat, indiquant que tout nouveau docteur doit prêter le serment suivant :

« En présence de mes pairs. <br/> Parvenu(e) à l'issue de mon doctorat en [xxx], et ayant ainsi pratiqué, dans ma quête du savoir, l'exercice d'une recherche scientifique exigeante, en cultivant la rigueur intellectuelle, la réflexivité éthique et dans le respect des principes de l'intégrité scientifique, je m'engage, pour ce qui dépendra de moi, dans la suite de ma carrière professionnelle quel qu'en soit le secteur ou le domaine d'activité, à maintenir une conduite intègre dans mon rapport au savoir, mes méthodes et mes résultats. »
Serment de soutenance

Pour en savoir plus, n'hésitez pas à consulter la fiche pratique sur le serment doctoral mise au point par l'OFIS.

Qu’entend-on par intégrité scientifique ?

Distincte de la déontologie, l’intégrité scientifique couvre l’ensemble des bonnes pratiques exercées dans la recherche qui garantissent sa qualité et sa neutralité.

Pierre Corvol, professeur émérite et administrateur honoraire du Collège de France, en précise les contours dans un rapport remis en 2016 au Secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche :

« L’intégrité scientifique est la conduite intègre et honnête qui doit présider à toute recherche. Consubstantielle de toute activité de recherche, c’est sur elle que reposent le savoir et la connaissance. […] La qualité et la fiabilité de la production scientifique dépendent d’elle. C’est sur elle que se fonde la société de la connaissance pour, en un mot, “ croire à la science ”. Autant les questions d’éthique font débat, autant l’intégrité scientifique ne se discute pas. »

Selon le code européen, l’intégrité scientifique repose sur 4 valeurs cardinales :

  • Fiabilité : garantir la qualité de la recherche, qui transparaît dans la conception, la méthodologie, l’analyse et l’utilisation des ressources.
  • Honnêteté : élaborer, entreprendre, évaluer, déclarer et faire connaître la recherche d’une manière transparente, juste et objective.
  • Respect : envers les collègues, les participants à la recherche, la société, les écosystèmes, l’héritage culturel et l’environnement.
  • Responsabilité : assumée pour les activités de recherche, de l’idée à la publication, leur gestion et leur organisation, pour la formation, la supervision et le mentorat, et pour les implications plus générales de la recherche.

Bonnes pratiques et points de vigilance

Les manquements à l’intégrité scientifique ne résultent pas toujours d’une volonté de frauder ou de falsifier. Ils peuvent procéder de lacunes méthodologiques, ou de détails en apparence anodins dont les conséquences peuvent être assez graves (reprise de résultats faux dans d’autres études, impossibilité de reproduire les résultats d’une étude, diffusion sans contrôle auprès de publics non experts de la discipline, etc.).

Les manquements vont de l’usage de biais méthodologiques à la fabrication de données de recherche. Entre les deux extrêmes, il existe une large « zone grise », plus ou moins intentionnelle.

Tableau
Tableau adapté de : H. Maisonneuve : Biais et embellissement polluent la science, Afis Science (site de l’Association Française pour l’Information Scientifique), consulté le 16/06/22

Quelques exemples de points à surveiller pour garantir l’intégrité de sa recherche :   

  • Donner accès à son corpus de recherches et ses données, les conserver de manière pérenne et les organiser afin qu’elles soient réutilisables en élaborant un Plan de Gestion de Données (PGD) régulièrement mis à jour.
  • Assurer, ou au moins favoriser, la reproductibilité de ses essais, expériences et recherches.
  • Respecter le droit d’auteur pour la citation et la compilation des sources antérieures.
  • Être attentif aux choix opérés lors de ses recherches et les documenter (par exemple, on peut être tenté d’éliminer des statistiques moins parlantes ou qui semblent aberrantes).
  • Consigner toute implication extérieure dans le processus de recherche pour assurer sa transparence.
  • Résister à la tentation d’embellir ses résultats (choix d’une courbe plus lisible dans un schéma, omission de faits contradictoires, etc.).   

Cette liste n’est pas exhaustive et en cas de doute ou de questionnement, les référents intégrité scientifique de vos établissements sont présents afin de déterminer avec vous comment traiter ces problématiques.

Le rôle des référents scientifiques

Chaque domaine de la recherche scientifique rencontre des difficultés qui lui sont propres. Afin de répondre au mieux à celles-ci, un référent est nommé pour chaque établissement de recherche.  Pour l'Université PSL, il s'agit de Monsieur David Ettinger.

Les référents ont pour mission d’initier des actions de formation, de prévention au sein de leur établissement, de recevoir et d’instruire tout signalement valable de manquement. Ils peuvent être saisis par toute personne témoin d’un manquement à l’intégrité scientifique.

Selon le manquement constaté et sa gravité, des sanctions peuvent être appliquées. Les décisions les plus courantes sont la demande de correction, la rétractation d’un article publié ou un avertissement. Si les implications sont plus importantes : retrait de diplôme, de droit d’exercer, déchéance de poste, instruction judiciaire. L’objectif de PSL et de ses référents est de prévenir les manquements en développant une réflexion et des pratiques favorables à l’intégrité scientifique.

Pour aller plus loin