La matériauthèque de l'EnsAD
La matériauthèque de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs est un espace à part dans le paysage de PSL : centre de ressources, lieu de conseil et interface entre les élèves et le monde professionnel. À la suite d’une entrevue avec Isabelle Humbert, la responsable de la matériauthèque, nous présentons ici ses collections et ses activités.
Historique du projet
À l’origine de la matériauthèque, une tissuthèque, créée en 1997 dans le cadre de la formation « design textile » de l’EnsAD. Isabelle Humbert, alors assistante technique dans le secteur textile de l’École, coloriste et designer textile pour l’industrie, en devient la responsable. La tissuthèque étant fondée ex nihilo, elle est chargée concomitamment de constituer un fonds documentaire de textiles et d’apporter aux étudiants une aide dans le choix des matériaux et la prise de contact avec les fournisseurs.
Une campagne d’affichage est alors menée sur les murs de l’EnsAD, avec l’aide d’un collègue graphiste, Jean-Pierre Archetti, par le biais de panneaux qui présentent aux étudiants les nouveautés des salons dédiés au textile, les tissus primés, et les tendances du secteur. Ces panneaux permettent de toucher un public plus large que les élèves du seul secteur textile : les étudiants en architecture d’intérieur, design, sérigraphie, ou encore cinéma d’animation, sont enthousiastes. À la demande des sections concernées, les collections s’élargissent et, en 2000, la tissuthèque devient officiellement une matériauthèque. En octobre 2015, la matériauthèque rejoint le service de la bibliothèque, l’objectif étant de rapprocher matériaux et documents dans un même centre de ressources.
Collections
La matériauthèque regroupe aujourd’hui 6000 échantillons industriels sur ses rayonnages. Parmi ceux-ci, des valeurs sûres (basiques textiles, cuirs, papiers, métaux ou plastiques) figurent auprès des derniers matériaux innovants présentés dans les salons professionnels, tous secteurs confondus, du nautisme au bâtiment. Les échantillons sont collectés auprès de fabricants de tous pays. Parmi les plus extraordinaires, le cuir de requin côtoie le feutre de pierre volcanique, une nappe de crins de sangliers ou un revêtement de sols en pneus d’avion recyclés.
Dès l’origine, les collections se sont spécialisées dans les matériaux souples. Ce choix répond à un besoin pratique autant que stratégique : l’espace de stockage est limité et, l’exhaustivité étant impossible, une spécialisation originale est nécessaire.
Les collections sont enrichies et renouvelées par Isabelle Humbert, sur la base de cahiers des charges qui recensent les besoins des enseignants et élèves, en complément du travail de prospection dans les salons.
Stratégie de taxonomie
Il a fallu dix ans à Isabelle Humbert pour trouver un système permettant de décrire de manière cohérente des matériaux relevant de corps de métiers extrêmement divers, ayant chacun leur langage propre.
Plutôt que de classer les matériaux par leur usage, ce qui constitue le modèle d’organisation classique pour une matériauthèque, Isabelle a élaboré une logique de classement dite « sensible », fondée sur son expérience et certains outils comme la nomenclature développée par le Professeur Jean-François Bassereau.
Le classement se fait par familles de matériaux puis, à l’intérieur de ces familles, par « organisation du sensible », sur la base d’une typologie d’aspects : métaux et aspects métaux, bois et dérivés, plastiques, papiers et aspects papier, textiles, cuirs et simili cuirs. La focalisation sur l’aspect implique que la texture et la couleur priment sur la matière.
Cette organisation permet de faciliter une « recherche instinctive ». Cette entrée par le sensible n’exclut cependant pas d’autres accès aux matériaux, par les performances, les techniques, ou les impacts environnementaux.
Descripteurs
Comme dans une bibliothèque, à chaque document est associée une série de descripteurs. Pour la matériauthèque, ils ont dû être élaborés progressivement depuis la création de la tissuthèque, pour permettre une caractérisation aussi complète que possible et adaptée au public de l’EnsAD.
Certains descripteurs sont basiques, comme les dimensions ou la couleur. D’autres prennent en compte la vocation commerciale des échantillons : référencement, fabricant, revendeur, tarif, ou encore négoce (le produit est-il vendu au poids, en gros, à l’unité ?).
Les usages et performances de l’échantillon sont détaillés. S'y ajoutent des caractéristiques environnementales et sanitaires qui ont progressivement fait leur apparition au cours des dix-neuf années d’existence de la matériauthèque. Celles-ci permettent de dégager des matériaux à impact écologique « moindre », accrochés sur des cintres verts pour être repérables immédiatement par l’usager. Un cintre noir signale quant à lui les matériaux dits « techniques », dont l’utilisation est réservée aux collectivités ou aux industries.
C’est la « qualification sensible des matières » qui fait la plus grande originalité de ces descripteurs. Ils sont répartis par aspect sensible : vue, toucher, son, et odeur. Pour chacun, une série d’adjectifs est proposée, par exemple « ajouré » ou « mat-satiné » pour la vue, « fluide » ou « tiède » pour le toucher, « sec » ou « aigu discret » pour le son, ou encore « grasse » pour l’odeur.
Missions pédagogiques
Outre l’offre documentaire d’échantillons physiques, la matériauthèque joue aussi un rôle dans les missions pédagogiques de l’École. À la matériauthèque, les élèves trouvent information et conseil pour la réalisation de leurs projets. Outre la consultation sur place, étudiants et enseignants peuvent aussi emprunter des matériaux pour leurs recherches, cours ou travaux.
Depuis sa création en tant que tissuthèque, la matériauthèque a produit des fiches documentaires qui présentent des matériaux, normes ou thématiques, affichées dans l’École jusqu’en 2013, et qui peuvent aujourd’hui être consultées en ligne ici.
La matériauthèque a aussi vocation à jouer un rôle d’interface entre les étudiants et les fournisseurs et fabricants repérés dans le travail de prospection. La matériauthèque contribue ainsi à compiler un carnet d’adresses mis à disposition des élèves.
La démarche proposée par Isabelle Humbert, fondée sur la « qualification sensible des matières », est à l’origine d’ateliers de formation que celle-ci dispense à un groupe d’étudiants volontaires de l’EnsAD. Ceux-ci travaillent à l’acquisition d’un référentiel olfactif : le « Champ des odeurs© », un outil mis au point par le chimiste Jean-Noël Jaubert en 1983, à partir d’un programme de recherche mené avec le CNRS et portant sur les relations entre la structure et l’activité des molécules odorantes. Ce groupe des « nez de l’EnsAD » a remporté un concours d’olfaction à destination des entreprises, « les nez d’Or », en 2012.
Retrouvez les informations pratiques de la matériauthèque sur PSL-Explore.