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L'EFEO à Angkor : restauration du Mébon occidental

Le temple du Mébon Occidental, au cœur du site archéologique d’Angkor au Cambodge, fait l’objet d’une restauration menée par l’École française d’Extrême-Orient (membre associé de PSL) et l’APSARA depuis 2012. Maric Beaufeist, architecte du patrimoine à l’EFEO, et Didier Fassio, réalisateur, présentent le chantier en texte et en images.

L’EFEO au Cambodge

Le site archéologique d’Angkor, au Cambodge, comporte plus de 200 temples, dispersés sur 400 kilomètres carrés de forêt. Classé au patrimoine mondial de l'humanité, il fut la capitale de l’Empire Khmer du IXe au XIVe siècle.

Image satellite du parc d'Angkor (Google Earth et localisation du Mébon occidental)
Image satellite du parc d'Angkor (Google Earth et localisation du Mébon occidental). Crédits image : photothèque de l'École française d’Extrême Orient.

Dès 1907, et jusqu’à la prise de pouvoir par les Khmers rouges en 1975, sa préservation est confiée à l’École française d’Extrême-Orient, aujourd'hui membre de PSL. L’EFEO crée à cette fin une antenne permanente au Cambodge, sous la direction d’archéologues et architectes illustres (Henri Parmentier, Henri Marchal, Bernard-Philippe Groslier ou Jacques Dumarcay).

En 1992, date de réouverture du pays, l’EFEO relance recherches et restaurations, à la demande du gouvernement cambodgien. Après le chantier colossal du Baphuon, présenté dans le documentaire ci- dessous et inauguré en juillet 2011, Pascal Royère, architecte et maître de conférences à l’EFEO entreprend la restauration du temple du Mébon occidental. Sa disparition en 2014 n’a pas interrompu les travaux, et l’EFEO poursuit aujourd’hui, à sa mémoire, l’anastylose (ou reconstruction) de ce temple du XIe siècle.

Pascal Royère présente le projet de restauration du Mebon occidental.

Le réalisateur Didier Fassio suit de près les chantiers de l’EFEO à Angkor. De cette collaboration sont nés deux documentaires. Le Secret des Temples d’Angkor (1996) raconte le travail d'une équipe de l'EFEO sur le site archéologique d'Angkor. Ce premier film évoque un siècle de relations franco-cambodgiennes, depuis la colonisation jusqu'à la coopération culturelle et technique.

Le Secret des Temples d’Angkor (1996). Réalisation Didier Fassio

Le second documentaire, Angkor l’aventure du Baphuon (2010), présente le chantier de restauration du "temple-montagne" du Baphuon. En toile de fond, l'histoire du Cambodge est évoquée par Pascal Royère.

Angkor l’aventure du Baphuon (2010). Réalisation Didier Fassio
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Vue aérienne du chantier - septembre 2016 - Photo EFEO

Le temple du Mébon occidental se situe au centre du Baray occidental, vaste réservoir (8km de longueur et 2,5 km de largeur) localisé à l’Ouest du parc d’Angkor.

C’est un dispositif cultuel très particulier : une enceinte carrée, mesurant environ 100 mètres de côté, enserre un bassin. Celui-ci est bordé de gradins de grès.

L’ensemble est orienté à l’est, et une chaussée rehaussée permet d’accéder à l’ilot central. Sur la partie orientale, l’enceinte est précédée par un tertre qui occupe un peu moins de la moitié de l’île.

Rappel historique : travaux antérieurs

Les premiers dégagements du Mébon occidental sont réalisés dans les années 1920. Le temple se trouve alors en grande partie ruiné et recouvert par la végétation et les alluvions, accumulés durant près de mille ans.

Les structures encore en place laissent apparaître un décor et des bas-reliefs du style du Baphuon. Ces bas-reliefs permettent, en l’absence de texte évoquant la fondation, d’estimer la construction du temple à la seconde moitié du XIème siècle.

Le conservateur d’Angkor, Maurice Glaize, découvre en 1936 la pièce majeure du temple : la statue colossale du grand Vishnu couché en bronze. Il dirige ensuite, dans les années 1940, la restauration de superstructures, notamment une partie du mur et deux des trois tours de la façade Est.

Le grand Vishnu couché
Le grand Vishnu couché - cliché EFEO - 1936

Le programme de restauration du Mébon

Ce projet de restauration, engagé en 2012, est un défi technique et scientifique pour l’équipe franco-cambodgienne (EFEO et Autorité pour la Protection du Site et l'Aménagement de la Région d'Angkor - APSARA). Son originalité réside notamment dans la création d’une zone tampon autour de l’île, qui permet de travailler en milieu asséché pendant les périodes d’inondation du Baray.

Le chantier regroupe à l’heure actuelle 127 personnels cambodgiens, parmi lesquels une centaine d’ouvriers mais aussi des personnels administratifs, archéologues, architectes ou dessinateurs. Il est dirigé par Maric Beaufeïst, architecte du patrimoine en poste à l’EFEO.

Le programme de restauration du Mébon a été engagé dans le cadre d’un Fonds de Solidarité Prioritaire, « Patrimoine angkorien et non-angkorien, formation professionnelle et valorisation » (ministère des Affaires étrangères et du Développement international, ministère de la Culture et de la Communication, ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, l’École française d’Extrême-Orient, Autorité nationale APSARA, Fondation Total.)

Vue projetée du Mébon après restauration
Vue projetée du Mébon après restauration- Image S. Leuckx / M.-C. Beaufeïst

Constat des pathologies et études préalables

Les façades restaurées dans les années 1940 ont déjà subi, au début des années 2000, des dégradations importantes.

Afin de pouvoir déterminer la stratégie à adopter pour la restauration du monument, des études archéologiques et géotechniques sont menées en 2012 et 2013. Elles permettent de comprendre les raisons de la ruine du temple, liées à la fois à la structure des fondations et à la mise en œuvre des maçonneries.

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Façade Est restaurée - 1944 - Cliché EFEO
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Façade Est - 2008 - Cliché Pascal Royère / EFEO

Premiers travaux

Les travaux débutent en 2012 par un préalable indispensable : la construction d’une digue de protection autour du temple, réalisée par l'APSARA. Celle-ci permet de préserver une aire de travail semi-asséchée durant la période des hautes eaux, de septembre à février. Une étude archéologique préventive certifie que cette construction n’altérera aucune structure ancienne en périphérie du Mébon.

Les équipes procèdent alors à un débroussaillement, à une étude complète du monument et, enfin, à un relevé des structures en places. En parallèle, des mesures préventives d’urgence sont mises en place. Par exemple, les éléments architecturaux remontés par Maurice Glaize dans les années 40 sont entièrement étayés, de façon à prévenir tout risque d’effondrement.

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Réalisation de la digue de protection - 2012 - Photos EFEO

Techniques de restauration

La restauration des années 1940 s'était rapidement dégradée. Afin d'éviter que cela ne se reproduise, les équipes ont privilégié une consolidation des gradins du bassin, qui servent également de fondation aux tours et au mur d’enceinte.

En raison des variations annuelles des conditions hydrographiques, les ingénieurs ont mis au point un protocole de restauration spécifique. Ainsi la technique dite de la « terre armée » (habituellement utilisée pour les infrastructures de transports) a-t-elle été adaptée à la restauration en milieu humide et appliquée à la totalité du système de fondation.

Cette technique consiste à renforcer les sols en y installant un dispositif constitué de géogrilles et géotextiles, dans lesquels les terres d’origine sont réintroduites et compactées. Ces géogrilles, sorte de « grillage » en matériau synthétique (polymère) permettent une consolidation du terrain, tandis que le géotextile a pour rôle d’éviter toute migration des sables au travers des maçonneries. Ainsi, à chaque assise des gradins correspond un « matelas » de terre armée. Le massif (ou la structure) ainsi formé est suffisamment solide pour remonter les tours et murs d’enceinte.

Thierry Dalimier, ingénieur et Maric Beaufeïst, architecte du patrimoine, présentent la technique des géogrilles. (réalisation Didier Fassio, vidéo EFEO).

État d'avancement des travaux

Les travaux de consolidation des gradins ont démarré à l’automne 2014. Leur phasage doit être très précis car l’espace restreint délimité par la digue de protection oblige à une organisation rigoureuse des aires de chantier.

L’omniprésence de l’eau la majeure partie de l’année (les pluies à partir de mai et les eaux souterraines du Baray de septembre à mars) conditionnent également les grandes étapes des travaux. Il serait impossible de compacter les remblais sur un sol détrempé. Les démontages sont donc toujours engagés à la saison sèche, et chaque phase de restauration doit démarrer lorsque le niveau du Baray est au plus bas.

Visite de la Ministre de la culture khmère sous la conduite de Maric Beaufeïst. Réalisation Didier Fassio.
Les grandes phases du chantier du Mébon occidental (2012 - janvier 2017). Réalisation Didier Fassio.

Début 2017, les gradins de la face Est sont remontés dans leur totalité et le remontage des élévations débute. Les gradins des faces Nord et Sud, quant à eux, sont en cours de remontage, et la face ouest en cours de démontage.

Le chantier en cours, qui durera au moins jusqu'en 2018, est intégré dans un programme de formation aux métiers du patrimoine et de la conservation monumentale.

Pour aller plus loin, retrouvez les deux documentaires dans la rubrique Films et vidéos de PSL-Explore.

 

Lexique

Anastylose : en architecture, reconstruction d'un monument ruiné à partir des pierres gisant sur place

Gopura : Pavillon d’entrée, porte de l’enceinte d’une ville ou d’un temple.

Géogrille : Sorte de « grillage » en matériau synthétique (polymère) utilisé en renforcement et stabilisation des sols.

Latérite : roche rouge ou brune riche en hydroxyde de fer, qui se forme par altération des roches sous les climats tropicaux.

Baray : nom donné dans l’empire Khmer aux vastes réservoirs rectangulaires construits afin de réguler les eaux.

Vishnu : l’un des trois grands dieux de l’hindouisme avec Brahma et Shiva.

APSARA : Autorité pour la Protection du Site et l'Aménagement de la Région d'Angkor.