
Épreuves et consécration (1906-1919)
La première femme professeur
Après le décès de Pierre Curie, Marie Curie, très éprouvée, poursuit à 39 ans leurs recherches communes, tout en prenant soin de l’éducation de leurs deux filles.
Elle reprend l’enseignement de physique de son mari le 5 novembre 1906, là où il l’avait interrompu. Sa leçon inaugurale attire une foule de journalistes et de curieux.
Elle est nommée professeur titulaire de la chaire auparavant occupée par son défunt mari le 16 novembre 1908, alors renommée chaire de « physique générale et radioactivité ». Elle devient ainsi la première femme professeur, à la Sorbonne et dans toute la France.
Parallèlement à l’enseignement, et avec l'aide d'André Debierne (1874-1949), elle s'attache à l'élaboration d’un étalon international de radium dans le laboratoire de la rue Cuvier. Ils parviennent à isoler du radium métallique pur en 1910 et elle écrit, la même année, son Traité de radioactivité, ouvrage fondateur de cette nouvelle science.
Un second prix Nobel
1911 est une année charnière. Sous l’impulsion de ses proches, Marie Curie pose sa candidature à l’Académie des sciences en janvier. Cette première candidature d’une femme à l’Institut de France divise : les républicains anticléricaux sont favorables à l'élection de la savante, tandis que les conservateurs catholiques soutiennent le physicien et médecin Édouard Branly. Ce dernier l’emporte par deux voix et Marie ne proposera jamais plus sa candidature à l’Institut.

Du 27 au 31 octobre 1911, elle assiste à Bruxelles au premier Conseil international de Physique Solvay, fondé par l'industriel belge de la chimie, Ernest Solvay (1838-1922). Elle est la seule femme présente, au premier Conseil et à la plupart des suivants, auprès d'éminents scientifiques parmi lesquels figurent Ernest Rutherford, Max Planck, Paul Langevin, Niels Bohr, Albert Einstein ou Jean Perrin.
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En novembre, la liaison de Marie Curie avec le physicien Paul Langevin fait l’objet d’une campagne de calomnie de la part de la presse d’extrême droite.
Le soutien de la communauté scientifique internationale lui permet cependant de surmonter l’épreuve : le 10 décembre 1911, et malgré la polémique sur sa vie privée, elle obtient le prix Nobel de chimie attribué par l’Académie des sciences de Stockholm « en reconnaissance de ses services dans le progrès de la chimie par la découverte des éléments radium et polonium, par l’isolation du radium et l’étude de la nature et des composés de cet élément remarquable. »

Cette consécration s’accompagne malheureusement de graves problèmes de santé : on découvre à Marie Curie une maladie rénale. Elle doit subir une première opération chirurgicale qui exige de longs mois de repos et ne peut retourner à son laboratoire qu’en septembre 1912.
Ses travaux aboutissent en janvier 1913. Marie dépose dans un coffre-fort du Bureau international des poids et mesures de Sèvres une éprouvette scellée, contenant un gramme de chlorure de radium qu'elle est parvenue à purifier : c'est le premier étalon du radium, aujourd'hui appelé « étalon Marie Curie ».
La première guerre mondiale
En août 1914, la Première Guerre mondiale éclate. Du fait de la mobilisation générale, le laboratoire de Marie Curie est dépeuplé. Plutôt que de partir rejoindre ses filles dans sa maison en Bretagne, Marie Curie choisit de mettre ses connaissances au service des blessés en participant à l’organisation du service radiologique des armées.

Elle coordonne la formation d’infirmières spécialisées et l’installation de postes de radiologies fixes et mobiles ; elle équipe notamment une vingtaine de véhicules, surnommés a posteriori les « petites Curie » et destinés à se rendre sur les différents fronts. Elle participe ainsi au développement de la radiologie dans les hôpitaux militaires, qui permet de localiser les balles de Shrapnel dans le corps des soldats et de soigner un million de blessés à proximité immédiate du front.
Elle est aidée dans sa tâche par sa fille Irène qui, à 17 ans, devient infirmière de la Croix-Rouge. Elles sillonnent le front pour former des infirmières radiologistes à l’emploi des tubes à rayons X, et convaincre les chirurgiens de l’utilité de cette méthode. Marie et Irène prennent aussi en charge l’enseignement pratique de radiologie de l’hôpital Edith-Cavell en donnant des cours dans le nouveau laboratoire de Marie à l’Institut du Radium.
Marie Curie racontera son expérience de la guerre dans son ouvrage La radiologie et la guerre, publié en 1921.