
Une nouvelle vie parisienne (1891-1897)
L'étudiante polonaise

Maria Sklodowska, alors âgée de 24 ans, arrive à Paris, à la gare du Nord, fin octobre 1891. Elle s'installe d'abord rue d’Allemagne (actuelle avenue Jean Jaurès), chez sa sœur et son beau-frère, Casimir Dluski, exilé polonais que Bronislawa a rencontré durant ses études.
Elle déménage ensuite rue Flatters, dans le quartier Latin, en mars 1892, afin de se rapprocher de la Sorbonne. Elle s’est en effet inscrite à la Faculté des sciences le 3 novembre 1891, résolue à mener des études scientifiques pour devenir enseignante du secondaire en Pologne.
Sur les bancs de l’université, aux côtés de Maria, on ne compte alors que 2% d’étudiantes.
Sur sa fiche d’inscription à l’Université, Maria francise son prénom et devient Marie. Studieuse et assez démunie financièrement, elle travaille continuellement pour se remettre à niveau.
Non confiante en ses acquis scientifiques, elle choisit de ne pas passer sa licence à l’été 1892 mais de refaire une première année.
Cela lui permet d’être reçue première à la licence de Physique en juillet 1893. L’année suivante, elle passe la licence de Mathématiques et est reçue troisième.
Rencontre avec Pierre Curie
Marie Sklodowska a un mentor : Gabriel Lippmann (1945-1921), professeur à la Sorbonne. Dans son laboratoire, elle entreprend une étude sur « les propriétés magnétiques de certains aciers » pour le compte de la Société d’Encouragement pour l’Industrie Nationale, étude pour laquelle elle a reçu une bourse. C’est cependant un domaine qu’elle connait assez mal. Pour l’aider, on lui présente l’un des spécialistes français du magnétisme, Pierre Curie.
Préparateur de physique à l’École municipale de Physique et Chimie industrielles de la Ville de Paris (EMPCI, l'actuelle ESPCI) depuis 1882, Pierre Curie est alors un physicien confirmé. Il est connu dans la communauté scientifique pour ses travaux sur la piézoélectricité, découverte avec son frère Jacques, sur le magnétisme et sur la symétrie en physique. Il est également apprécié pour ses talents d’expérimentateur et son esprit vif.
Les deux jeunes gens se plaisent et commencent à travailler ensemble. En mars, Marie assiste à la soutenance de thèse de doctorat de Physique de Pierre.
Marie nourrit pourtant toujours le dessein de retourner enseigner dans son pays. Lorsqu'elle retourne en Pologne durant l’été 1894, Pierre lui écrit pour l’inciter à revenir vivre et travailler auprès de lui.
Marie se laisse convaincre, et avec la bénédiction de son père, elle se marie avec Pierre Curie, le 25 juillet 1895, à la Mairie de Sceaux, dans l’intimité.
Pour fêter ce mariage, le couple s’offre deux bicyclettes d’une toute nouvelle génération - avec des pneus ! Leur voyage de noces est une première série de randonnées cyclistes en Bretagne. Le couple emménage alors au 108, boulevard Kellermann à Paris.
L'enseignement, la recherche et la maternité

Bien que mariée à un physicien reconnu, Marie, récemment devenue Marie Curie, se destine toujours à l’enseignement. Elle passe ainsi l’« agrégation pour l’enseignement des jeunes filles, section mathématiques » en 1896.
En octobre 1900, elle sera nommée « Chargée de conférences de physique de 1re et 2e années » à l’École normale supérieure d’Enseignement Secondaire de jeunes filles de Sèvres, où elle enseignera jusqu’en 1906.
Le 12 septembre 1897, la naissance de la première fille de Pierre et Marie, Irène, vient bousculer leur vie.
Cela n’empêche pas Marie de poursuivre ses recherches. Elle publie son premier travail scientifique sur les propriétés magnétiques des métaux, qui lui permet d’obtenir le Prix Gegner de l’Académie des sciences en 1898, prix qu'elle obtiendra à deux autres reprises en 1900 et 1902.
Avec le soutien de Pierre Curie, Marie décide à la fin de l'année 1897 de commencer une thèse de physique sur les propriétés des rayonnements invisibles émis par l’uranium, découverts un an et demi plus tôt par Henri Becquerel (1852-1908). Pour travailler sur ces expériences, Marie profite de l’atelier que concède l’EMPCI au jeune couple de chercheurs.
Elle entreprend ainsi l’étude quantitative des « rayons uraniques » avec un appareillage très sensible mis au point par Pierre Curie. Elle donne à cette émission spontanée de rayonnement le nom de « radioactivité », établit le caractère atomique du phénomène et cherche à l'identifier ailleurs, dans d’autres éléments puis dans des minerais riches en uranium, en particulier la pechblende. Elle fait alors l’hypothèse que ceux-ci contiennent un élément inconnu. Ces travaux sont présentés par Gabriel Lippmann à l’Académie des sciences le 12 avril 1898. Pierre Curie, intrigué par ces résultats, laisse de côté ses propres recherches pour venir collaborer à celles de son épouse.