Premières découvertes (1898-1906)
Polonium et Radium
Le problème principal que doivent affronter Pierre et Marie Curie durant leurs recherches communes est celui de l’approvisionnement en matière première : ils ont un besoin très important de minerais d’uranium. L’un de ceux-ci, la pechblende, est exploité en Bohême pour ses propriétés de coloration du verre.
Grâce à la générosité du Baron Henri de Rothschild, Pierre et Marie concluent un partenariat avec les cristalleries de Bohême et importent quelques tonnes de minerai depuis Sankt-Joachimsthal. Cette opération leur permet de mettre au point les procédés chimiques de fractionnement nécessaires à l’isolement et la caractérisation des éléments inconnus qu’ils recherchent.
Ils démontrent ainsi l’existence de deux éléments radioactifs, présents en très faible quantité dans des minerais d’uranium, et alors inconnus. Le 18 juillet 1898, ils annoncent la découverte du polonium (ainsi nommé en hommage à la Pologne), et, le 26 décembre de la même année, celle du radium, avec Gustave Bémont.
Après ces découvertes, ils poursuivent leur étude de la radioactivité. Pour faciliter leurs travaux chimiques, Pierre et Marie se voient accorder un « hangar » dans la cour de l’enceinte de l’EMPCI.
Travaillant sans relâche, ils obtiennent finalement un décigramme de chlorure de radium pur en 1902. Cela leur permet de mesurer le poids atomique du radium et d’identifier ainsi la position de cet élément dans le tableau périodique.
Le 25 juin 1903, Marie Curie soutient sa thèse de doctorat d’État intitulée « Recherches sur les substances radioactives » : elle obtient la mention « Très honorable ».
Le prix Nobel de physique (1903)
L’année 1903 est celle de la consécration. Le 19 juin, le couple fait un premier voyage à Londres pour présenter leur recherche devant la Royal Institution. Pierre y retourne quelques mois plus tard pour recevoir en son nom et au nom de Marie la médaille Davy de la Royal Society (équivalent britannique de l’Académie des sciences) en récompense de leurs découvertes communes.
Déjà connus de la sphère scientifique, Pierre et Marie Curie sortent définitivement de l’anonymat le 12 décembre 1903, lorsqu’ils deviennent les lauréats, avec Henri Becquerel, du prix Nobel de Physique « en reconnaissance de leurs services rendus, par leur recherche commune sur le phénomène des radiations découvertes par le professeur Henri Becquerel ». Leurs travaux scientifiques contribuent en effet à construire une nouvelle conception de l’atome et de la matière.
Cette distinction récompense leurs recherches, mais bouleverse la vie du couple de savants. Malgré la notoriété acquise depuis le prix Nobel, leurs conditions de travail ne sont pas satisfaisantes et la séparation chimique du radium reste longue et délicate. Fatigués par leurs travaux, ils doivent attendre 1905 pour pouvoir aller chercher leur prix à Stockholm. Leurs recherches continuent donc, quelque peu dérangées par les sollicitations des journalistes et des curieux.
Nouvelles opportunités, nouvelle naissance
Quelques avantages accompagnent tout de même le prix Nobel : dès octobre 1904, une chaire de Physique est créée pour Pierre Curie à la Faculté des Sciences de la Sorbonne. Ce poste s’accompagne d’un petit laboratoire situé dans une annexe de l’université au 12, rue Cuvier.
Marie y devient « chef de travaux » en novembre 1904, même si le couple ne quittera le « hangar » de l’EMPCI qu’en 1905.
Pierre et Marie ont élaboré un protocole expérimental pour extraire du radium de la pechblende.
Par désintéressement et parce qu'ils considèrent que la radioactivité peut être un bienfait pour l'humanité, ils décident de ne pas déposer de brevet, mais au contraire de rendre accessibles leurs recherches au plus grand nombre.
Ils s’associent ainsi, dès 1904, à un industriel de Nogent-sur-Marne, Émile Armet de Lisle (1853-1928), pour mettre en place un procédé de traitement chimique du radium. Ce partenariat leur permet en outre de déléguer une partie de leurs travaux.
La fin d'année est marquée par la naissance de leur seconde fille, Ève, le 6 décembre.
La tragédie de 1906
En 1905, Pierre est élu membre de l’Académie des sciences. Entre le laboratoire et la vie familiale, le couple de scientifiques n’a que très peu de temps à consacrer à la vie publique.
Pierre Curie vit alors ses derniers mois. Le 19 avril 1906, il est victime d’un accident mortel de la circulation. En se rendant à pied à une séance de l’Académie des sciences, il est renversé par un attelage de chevaux, rue Dauphine. La tête écrasée par la roue arrière gauche de l’attelage, il meurt sur le coup. Il a 47 ans.