Chapitre 3

Premières découvertes (1898-1906)

Polonium et Radium

Le problème principal que doivent affronter Pierre et Marie Curie durant leurs recherches communes est celui de l’approvisionnement en matière première : ils ont un besoin très important de minerais d’uranium. L’un de ceux-ci, la pechblende, est exploité en Bohême pour ses propriétés de coloration du verre.

Grâce à la générosité du Baron Henri de Rothschild, Pierre et Marie concluent un partenariat avec les cristalleries de Bohême et importent quelques tonnes de minerai depuis Sankt-Joachimsthal. Cette opération leur permet de mettre au point les procédés chimiques de fractionnement nécessaires à l’isolement et la caractérisation des éléments inconnus qu’ils recherchent.

Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire à l’EMPCI, vers 1898.
Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire à l’EMPCI, vers 1898. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP308
Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire à l'EMPCI, vers 1898.
Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire à l'EMPCI, vers 1898. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP80.02

Ils démontrent ainsi l’existence de deux éléments radioactifs, présents en très faible quantité dans des minerais d’uranium, et alors inconnus. Le 18 juillet 1898, ils annoncent la découverte du polonium (ainsi nommé en hommage à la Pologne), et, le 26 décembre de la même année, celle du radium, avec Gustave Bémont.

« Nous croyons donc que la substance que nous avons retirée de la pechblende contient un métal non encore signalé. Si l'existence de ce nouveau métal se confirme, nous proposons de l'appeler « Polonium », du nom du pays d'origine de l'un d'entre nous. »
P. Curie et M. S.-Curie, Comptes rendus à l’Académie des sciences, 18 juillet 1898

Après ces découvertes, ils poursuivent leur étude de la radioactivité. Pour faciliter leurs travaux chimiques, Pierre et Marie se voient accorder un « hangar » dans la cour de l’enceinte de l’EMPCI.

Travaillant sans relâche, ils obtiennent finalement un décigramme de chlorure de radium pur en 1902. Cela leur permet de mesurer le poids atomique du radium et d’identifier ainsi la position de cet élément dans le tableau périodique.

Le 25 juin 1903, Marie Curie soutient sa thèse de doctorat d’État intitulée « Recherches sur les substances radioactives » : elle obtient la mention « Très honorable ».

 

Une coupelle contenant du bromure de radium
Une coupelle contenant du bromure de radium (photo prise dans l'obscurité),1922. Source : Musée Curie ; coll. Institut du Radium/ Cote MCP4151

Le prix Nobel de physique (1903)

Page de couverture du journal « Le Petit Parisien » du 10 janvier 1904 représentant Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire de l’EMPCI.
Page de couverture du journal « Le Petit Parisien » du 10 janvier 1904 représentant Pierre et Marie Curie dans leur laboratoire de l’EMPCI.10 janvier 1904, Musée Curie ; coll. Imprimés / Cote MCP455

L’année 1903 est celle de la consécration. Le 19 juin, le couple fait un premier voyage à Londres pour présenter leur recherche devant la Royal Institution. Pierre y retourne quelques mois plus tard pour recevoir en son nom et au nom de Marie la médaille Davy de la Royal Society (équivalent britannique de l’Académie des sciences) en récompense de leurs découvertes communes.

Déjà connus de la sphère scientifique, Pierre et Marie Curie sortent définitivement de l’anonymat le 12 décembre 1903, lorsqu’ils deviennent les lauréats, avec Henri Becquerel, du prix Nobel de Physique « en reconnaissance de leurs services rendus, par leur recherche commune sur le phénomène des radiations découvertes par le professeur Henri Becquerel ». Leurs travaux scientifiques contribuent en effet à construire une nouvelle conception de l’atome et de la matière.

Cette distinction récompense leurs recherches, mais bouleverse la vie du couple de savants. Malgré la notoriété acquise depuis le prix Nobel, leurs conditions de travail ne sont pas satisfaisantes et la séparation chimique du radium reste longue et délicate. Fatigués par leurs travaux, ils doivent attendre 1905 pour pouvoir aller chercher leur prix à Stockholm. Leurs recherches continuent donc, quelque peu dérangées par les sollicitations des journalistes et des curieux.

Prix Nobel Curie 1903
Diplôme du prix Nobel de Physique attribué à Pierre et Marie Curie, 1903. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP86,02

Nouvelles opportunités, nouvelle naissance

Quelques avantages accompagnent tout de même le prix Nobel : dès octobre 1904, une chaire de Physique est créée pour Pierre Curie à la Faculté des Sciences de la Sorbonne. Ce poste s’accompagne d’un petit laboratoire situé dans une annexe de l’université au 12, rue Cuvier.

Marie y devient « chef de travaux » en novembre 1904, même si le couple ne quittera le « hangar » de l’EMPCI qu’en 1905.

 

 Pierre Curie faisant son cours, dans l’amphithéâtre de la Faculté des sciences de Paris, 1904
Pierre Curie faisant son cours, dans l’amphithéâtre de la Faculté des sciences de Paris, 12, rue Cuvier, en 1904. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP114
Pierre Curie au milieu de ses élèves dans l’amphithéâtre de la rue Cuvier en 1904
Pierre Curie au milieu de ses élèves dans l'amphithéâtre de la rue Cuvier en 1904. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP310

Pierre et Marie ont élaboré un protocole expérimental pour extraire du radium de la pechblende.

Par désintéressement et parce qu'ils considèrent que la radioactivité peut être un bienfait pour l'humanité, ils décident de ne pas déposer de brevet, mais au contraire de rendre accessibles leurs recherches au plus grand nombre.

Ils s’associent ainsi, dès 1904, à un industriel de Nogent-sur-Marne, Émile Armet de Lisle (1853-1928), pour mettre en place un procédé de traitement chimique du radium. Ce partenariat leur permet en outre de déléguer une partie de leurs travaux.

La fin d'année est marquée par la naissance de leur seconde fille, Ève, le 6 décembre.

 

 

Pierre et Marie Curie dans le laboratoire de l'EMPCI, vers décembre 1903
Pierre et Marie Curie dans le laboratoire de l'EMPCI, vers décembre 1903. Albert Harlingue. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP2372
« Le radium ne doit enrichir personne. C'est un élément. Il appartient à tout le monde. »
Marie Curie, citée par Mary Meloney, 1921 in <em>Madame Curie</em>, Eve Curie, Ed. Gallimard, 1938

La tragédie de 1906

Marie Curie et ses filles Irène et Eve, dans le jardin à Sceaux, été 1908.
Marie Curie et ses filles Irène et Eve, dans le jardin à Sceaux, été 1908. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP118

En 1905, Pierre est élu membre de l’Académie des sciences. Entre le laboratoire et la vie familiale, le couple de scientifiques n’a que très peu de temps à consacrer à la vie publique.

Pierre Curie vit alors ses derniers mois. Le 19 avril 1906, il est victime d’un accident mortel de la circulation. En se rendant à pied à une séance de l’Académie des sciences, il est renversé par un attelage de chevaux, rue Dauphine. La tête écrasée par la roue arrière gauche de l’attelage, il meurt sur le coup. Il a 47 ans.

 

Le cortège funéraire devant la maison des Curie pour l'enterrement de Pierre Curie, 108 bd Kellerman, 1906.
Le cortège funéraire devant la maison des Curie pour l'enterrement de Pierre Curie, 108 bd Kellerman, 1906. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP414
Marie Curie dans le laboratoire de la rue Cuvier, 1908.
Marie Curie dans le laboratoire de la rue Cuvier, 1908. Henri Manuel. Source : Musée Curie ; coll. ACJC / Cote MCP140

Bibliographie

Vous trouverez ci-dessous une courte bibliographie accessible à tous, afin d'approfondir vos connaissances sur la vie et l'œuvre scientifique de Marie Curie.

Madame Curie par Ève Curie, éditions Gallimard, collection Folio, 1938

« Elle est femme, elle appartient à une nation opprimée, elle est pauvre, elle est belle. Une vocation lui fait quitter sa patrie, la Pologne, pour étudier à Paris où elle vit des années de solitude, de difficulté. Elle rencontre un homme qui a du génie comme elle. Elle l'épouse. Leur bonheur est d'une qualité unique. Par l'effort le plus acharné et le plus aride, Marie et Pierre Curie découvrent un corps magique, le radium. Leur découverte ne donne pas seulement naissance à une nouvelle science et à une nouvelle philosophie : elle apporte aux hommes le moyen de soigner une maladie affreuse. Au moment même où la gloire arrive, son merveilleux compagnon lui est ravi par la mort. Malgré la détresse du cœur et des maux physiques, elle continue seule la tâche entreprise, et développe avec éclat la science créée par le couple. »

Ève Curie

Marie Curie et la Grande Guerre par Anaïs Massiot et Natalie Pigeard-Micault, éditions Glyphe, 2014

Notes de l'éditeur :

« Eté 1914, Marie Curie aménage son laboratoire dans le tout nouvel Institut du Radium. Mais l'histoire est en marche et la Première Guerre mondiale éclate. Ses collaborateurs au front, Marie Curie ne s'enferme pas dans son laboratoire. Au contraire, elle en sort et fait tout ce qui est en son pouvoir pour se rendre utile. Elle met au service de la France ses connaissances scientifiques, au travers de la radiologie et la radiumthérapie. Elle va plus loin et mobilise les ressources humaines, matérielles et financières au profit des blessés. Elle s'inquiète de ses proches, fait circuler les nouvelles. Richement illustré, ce petit ouvrage se propose de raconter sous toutes ses facettes ce que fut la vie de Marie Curie durant la Grande Guerre. Après ces quatre longues années de conflit, Marie Curie, comme tant d'autres, ne sera plus la même. »

Leçons de Marie Curie par Isabelle Chavannes, éditions EDP Sciences, 2003

Notes de l'éditeur :

« Voici un document exceptionnel, retrouvé par miracle dans une cave : il livre les comptes-rendus de cours élémentaires de physique, que Marie Curie donna en 1907 à sa fille Irène et aux enfants de ses collègues dans le cadre d'une "coopérative d'enseignement". Ils sont écrits de la main de l'une de ses élèves, Isabelle Chavannes, et sont ici retranscrits dans leur intégralité. Marie Curie a imaginé elle-même ces leçons, destinées aux enfants d'une dizaine d'années. Claires, inventives amusantes, elles reposent sur le questionnement et l'expérimentation. Aussi fraîches et pertinentes qu'il y a un siècle, ces leçons raviront les parents, enseignants et curieux de tous les âges. »

Lettres de Marie Curie et ses filles, rassemblées par Monique Bordry et Hélène Langevin, éditions Pygmalion, 2011

Lors du décès accidentel de Pierre Curie en 1906, la fille aînée de Marie Curie, Irène, n'a que neuf ans et la cadette, Ève, deux ans. Les lettres échangées entre mère et filles rassemblées dans ce livre nous plongent dans leur intimité familiale et rapportent petits et grands événements de leur vie, jusqu'au décès de Marie Curie, en 1934. Elles témoignent des liens harmonieux qui ne cessèrent de se développer entre elles, au fil des ans. On découvre trois brillantes personnalités, liées par une affection intense et indéfectible. Édition réalisée par Hélène Langevin-Joliot, fille d'Irène Joliot-Curie, petite-fille de Marie Curie, et Monique Bordry qui a été directrice du Musée Curie.

Marie Curie, La fée du radium, par Chantal Montellier et Renaud Huynh, éditions Dupuis Pygmalion, 2011

Née en 1867, Marie Curie est la seule femme à avoir reçu deux prix Nobel : le prix Nobel de physique en 1903, qu'elle partage avec Pierre Curie son mari, puis le prix Nobel de chimie pour ses travaux sur le polonium et le radium en 1911. Elle fut par ailleurs la première femme à enseigner à la Sorbonne en 1906. La partie dessinée de l'album, réalisée par Chantal Montellier, se situe au moment où Marie Curie reçoit son second prix Nobel, alors qu'une violente campagne de presse se déchaîne contre elle. Sa liaison avec le physicien Paul Langevin, rendue publique, lui fut amèrement reprochée. De souvenirs en flash-back, nous sont contés les moments-clés de son existence et de sa carrière, déjà exceptionnelles en soi, et davantage encore si l'on se rappelle du peu de place accordée aux femmes dans le domaine de la recherche à l'époque.

Marie Curie, une femme de science par Françoise Grard et Emmanuel Cerisier, éditions Gulf Stream, 2011

Notes de l'éditeur :

« Polonaise de cœur et Française d'adoption, dotée d'une intelligence et d'une force de caractère peu communes, Marya Sklodowska était un être d'exception. Première femme à occuper une chaire scientifique à la Sorbonne, deux fois prix Nobel (de physique en 1903 et de chimie en 1911), Marie Curie fut également une des premières femmes à vivre la science comme un métier, qu'elle mit un point d'honneur à accomplir avec honnêteté. Épaulée par son époux Pierre Curie, sa découverte du radium révéla au monde entier l'existence de la radioactivité. Marie Curie est aujourd'hui encore un exemple pour tous les chercheurs. »

Marie Curie par Laura Berg et Stéphane Soularue, éditions Naïve, 2015

Notes de l'éditeur :

« Une nouvelle femme fait son entrée dans la collection de bandes dessinées "Grands Destins de Femmes". Laura Berg et Stéphane Soularue retracent le parcours de Marie Curie, une femme de science et de coeur. Deux fois prix Nobel, première femme à enseigner à la Sorbonne, elle marie, pour les générations actuelles et futures, le talent, l'intelligence et la volonté permanente d'émancipation. »

Marie Curie par Patricia Crété, Bruno Wennagel et Mathieur Ferret, éditions Quelle Histoire, 2015

Notes de l'éditeur :

« La vie de Marie Curie racontée aux enfants. De son enfance à Varsovie à l'obtention du prix Nobel de physique en 1903 avec son époux, Pierre Curie, en passant par ses recherches sur le radium, le destin de la plus célèbre femme scientifique est fascinant. Quelle Histoire propose une initiation accessible à l'histoire de cette grande chercheuse. » Pour les 6/10 ans.

À propos

Cette exposition virtuelle a été conçue comme le prolongement naturel de l'exposition itinérante  « Marie Curie 1867-1934 ». Créée en 2011 par le Musée Curie pour l'année internationale de la Chimie, elle commémorait le centenaire du prix Nobel de Chimie de Marie Curie.

Traduite en plusieurs langues, l'exposition n'a, depuis, cessé de circuler à travers le monde. Il est toujours possible de la louer : pour tous renseignements, cliquez ici.

 

Crédits

Exposition réalisée par le Musée Curie, avec le soutien du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, de l'Association Curie et Joliot-Curie, de l'Institut français, de l'Institut Curie et du CNRS.

L'ensemble des images proviennent des Archives du Musée Curie.

 

Réalisation de l'exposition virtuelle

Xavier Reverdy-Théveniaud

Avec l'aide de

Annael Le Poullennec et l'équipe du Pôle Ressources et Savoirs, PSL