Une société en évolution
Villes et sépultures princières
Au moment où les Grecs fondent la colonie de Massalia (Marseille), les Celtes développent de grandes agglomérations à Bourges, Lyon, Dijon ou Bordeaux. Elles comprennent en général un habitat fortifié, des faubourgs d’artisans étendus sur plusieurs dizaines d’hectares, et une couronne de riches sépultures.
Dans le cas de la ville de Bourges, l’habitat central est aujourd’hui masqué par la ville moderne. En revanche, de nombreux « tumulus » (tertres) abritant des tombes fastueuses, se dressent dans la campagne environnante, et les faubourgs livrent les traces d’une intense activité artisanale.
La tombe de Hochdorf, dans l’actuel Bade-Wurtemberg en Allemagne, nous fournit un exemple de ces tombes fastueuses. Datée de 540-520 av. J.-C., elle réunit tous les éléments d’un banquet, dont les neuf participants consommaient de la viande et des boissons selon un ordre protocolaire très strict. La nature et la disposition des assiettes, des bassins et des cornes à boire indiquent une hiérarchie dominée par le prince et deux convives, qu’il faut imaginer assis en tailleur sur le sofa en bronze.
La tombe de Lavau, en périphérie de Troyes, était associée à un très vaste monument funéraire. La sépulture est celle d’un homme de très haut rang, ayant vécu dans la première moitié du Vème siècle av. J.-C. Le faste du prince de Lavau et son goût pour la culture méditerranéenne constituent l’un des tout derniers témoignages du genre, qui porte ici quelques ingrédients d’un nouvel âge, celui du deuxième âge du Fer, et des Celtes historiques.
Un monde essentiellement rural
À partir du IVe s. av. J.-C, les complexes princiers disparaissent et la société, moins hiérarchisée, vit dispersée dans les campagnes. À proximité des fermes et villages se développent alors de grandes nécropoles qu’on appelle « tombes plates » parce qu’elles sont signalées au mieux par un enclos de palissade.
Des centaines de fermes gauloises, aussi nombreuses et riches que les villas romaines, ont été repérées ou explorées depuis trente ans dans le bassin Parisien. Elles réunissent plusieurs bâtiments à l’intérieur d’un même enclos, le plus souvent une habitation, une grange, une étable, des greniers surélevés et des silos souterrains.
Le même phénomène s’observe dans le centre de la France, où l’on a découvert, à côté d’établissements modestes, des « fermes aristocratiques ». Celles-ci se distinguent par la présence de grands bâtiments, de porches monumentaux et d’objets précieux importés. Celle de Batilly, reconstituée ici, préfigure les villas de l’époque romaine par sa surface étendue, par la séparation des zones d’activité et de résidence, et par ses décors peints.
Le village gaulois d'Acy-Romance
Le modèle du village gaulois, très présent dans la culture populaire, a pu être considérablement éclairé par les découvertes faites à Acy-Romance (Ardennes) dans les trente dernières années. Ce village gaulois (180-30 avant J.-C.) a d’abord connu une période faste, puis la vitalité du bourg s’est étiolée jusqu’à sa disparition au début de notre ère. D’une quinzaine d’hectares, il a été fouillé dans son intégralité.
L’habitat, installé sur un plateau dominant la rivière Aisne, est organisé en quartiers représentatifs des activités de la population. Au sommet de la colline, une grande place palissadée, bordée de bâtiments, et une nécropole d’une vingtaine de sépultures, constituent le centre communautaire et religieux. Les sépultures laissent supposer l’existence de sacrifices humains et d’hécatombes de brebis.
Les habitations, quant à elles, bordent trois grandes places et sont organisées en unités comptant une maison et quelques annexes. À l’est du site, dans le secteur occupé par les agriculteurs, des silos caractéristiques du stockage de céréales et réutilisés en dépotoirs ont livré de nombreux objets du quotidien.
Les chercheurs ont aussi pu localiser, au nord, le quartier des éleveurs, où des grands bâtiments remplacent les silos, et au sud, des objets et déchets identifiant l’activité de forgerons-dinandiers.
Les agglomérations artisanales
À partir du IIIe s. av. J.-C. se développent en plaine, sur des carrefours, des agglomérations d’artisans et de commerçants. Ils travaillent le fer et le bronze pour faire des armes, des outils et des parures, et importent des milliers d’amphores de vin. Avec la frappe de monnaies, un véritable commerce se développe. Les productions agricoles et artisanales s’intensifient et s’exportent.
Les fosses à vocation artisanale, les silos, les greniers et les puits à eau se répartissent de façon aléatoire sur ces agglomérations de quelques hectares. À Levroux, des analyses statistiques permettent ainsi de localiser la coulée du bronze et la forge du fer, la découpe des animaux pour la boucherie, la tabletterie, ainsi que le travail de la corne.
Les oppida et leurs fortifications
À la fin du IIe s. av. J.-C., la population des villages artisanaux est attirée dans des villes fondées par l’aristocratie rurale. Positionnées sur les collines et étendues sur plusieurs dizaines d’hectares, entièrement clôturées par un rempart de prestige, elles surplombent les espaces cultivés.
Paysans, artisans, commerçants et nobles partagent cet espace clos de l’oppidum, où lieux de culte côtoient l’ébauche de places publiques. Le développement des portes monumentales suggère en outre l’existence d’un péage et, probablement, de privilèges réservés aux occupants de l’oppidum.
L’espace est réparti en enclos irréguliers, à l’intérieur desquels les familles riches organisent à leur gré habitation et annexes. Les échoppes des artisans sont généralement alignées le long des rues.
À la fin du IIe s., les remparts de villes ou de sanctuaires entourent des surfaces considérables, jusqu’à plusieurs centaines d’hectares. Ces enceintes percées de quelques portes monumentales sont composées tantôt d’un rempart de prestige en bois, terre et pierre, le murus gallicus, tantôt d’un talus massif en terre précédé d’un large fossé privilégiant la défense. Le second modèle prévaut durant la Guerre des Gaules et les talus massifs marquent encore aujourd’hui le paysage, par exemple en Normandie et en Picardie. Quand ils sont fouillés, on constate qu’ils recouvrent souvent un rempart à poutrage de bois plus ancien.
Webographie
L'équipe d'AorOc est à l'origine de nombreux projets numériques de valorisation de l'Histoire et la culture celtiques.
Parmi ceux-ci, plusieurs projets grand public sont accessibles en ligne.
- "Oppida", atlas des oppida celtiques ;
- Une histoire du site archéologique de Ribemont-sur-Ancre ;
- Un reportage sur les recherches menées à Lavau ;
- Une restitution 3D du village gaulois d'Acy-Romance ;
- Une reconstitution de l'oppidum de Corent ;
- Le site de Bibracte ;
- La chronique de la fouille de la tombe de Warcq et de celle de Lavau ;
- Le portail de visualisation en ligne des données géo-référencées Chronocarto ;
- Le site d'Aoroc.
Retrouvez également le dossier consacré aux Celtes sur Savoirs-ENS, le site de diffusion des savoirs de l'École normale supérieure.
Crédits
L'exposition Réinventer les Celtes à l'École normale supérieure a été réalisée grâce au soutien de
La DRAC Île-de-France,
Le service régional de l’archéologie, ministère de la Culture
L’Union Internationale des Sciences Préhistoriques et Protohistoriques (UISPP)
La fondation de l’École normale supérieure
L’Université PSL
L’Ecole normale supérieure
L’UMR Archéologies et philologie d’Orient et d’Occident (AOrOc, CNRS-ENS)
L’Institut National de la Recherche en Archéologie Préventive (INRAP)
La Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais
Le Musée national du Moyen-Âge, Musée de Cluny, Paris
Le Grand-Duché du Luxembourg, musée
Bibracte EPCC
Bourges +, service archéologique
CG Seine-Saint-Denis, service archéologique
CG Allier, service archéologique
L’Université de Cergy-Pontoise, LPMN
Coordination de l’exposition
Katherine Gruel, Olivier Büchsenschütz
Conception et réalisation de l'exposition virtuelle
Maya Messaoudi, Annael Le Poullennec, Direction Ressources & Savoirs de l'Université PSL
Remerciements
Rémi Auvray, Salma El Blidi, François Ory (conception graphique)
Jessica Dubos, Jean-Baptiste Houal (reconstitutions 3D)
Nicolas Gérard (Enregistrements)
Antoine Moulin (Voix)
Thomas Crognier (QR codes)
Véronique Prouvost, Noëlle Aziz, Julien Fournigault, Jessica Malamba, Philippe Pommier (Communication de l'ENS)
Technologie
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