Chapitre 5

Fondations et patrimoine

Réformes universitaires

L'histoire culturelle de l'Europe est marquée par l'émergence de nouveaux centres pour les échanges, le rayonnement et l'innovation en matière de culture. Sous l'impulsion décisive des frères Humboldt, Berlin se dote en quelques décennies d'une université et de deux musées publics de réputation internationale.

HUMBOLDT
Panorama de Berlin pris du toit de l'eglise de Werder
Eduard Gaertner, 1834, Huile sur toile, 91 x 345 cm, Potsdam, Stiftung Preußische Schlösser und Gärten, | 6179, © Potsdam, Stiftung Preußische Schlösser und Gärten

L'Université de Berlin

Dès 1807, Frédéric-Guillaume III lance un train de mesures radicales destinées à moderniser la Prusse. Nommé le 28 février 1809 chef du département des Cultes et de l’Instruction publique au ministère de l’Intérieur, Wilhelm von Humboldt est responsable de la refonte complète du système de l’éducation nationale.   

S'inspirant de système d’enseignement de Platon, de ses propres théories de l’État,  ainsi que des écrits de pédagogues réformateurs tels que le Suisse Johann Heinrich Pestalozzi, Wilhelm esquisse un système général d’éducation qui prévoit une scolarité plus démocratique et conceptualise l’école élémentaire. Le curriculum des Gymnasien nouvellement créés est centré sur les langues anciennes et prône une culture humaniste. L'école prépare désormais à l’enseignement universitaire dont le modèle sera dispensé à l’université la plus moderne de l’époque, celle de Berlin, qui ouvre ses portes en 1810.  

humboldt- Berlin. Universität (actuelle Humboldt-Universität)
Berlin. Universität (actuelle Humboldt-Universität)
1897, Photochrome, © Marc Walter
Le Berlin savant
Le Berlin savant
Julius Schoppe, vers 1810, Lithographie, 49,2 x 32,7 cm, Berlin, Staatliche Museen, Kupferstichkabinett, © BPK, Berlin / Dist. RMN-Grand Palais / Jörg P. Anders

Esprit profondément libéral, Wilhelm von Humboldt défend la liberté de la recherche et son lien à l’enseignement.  À une époque où les universités étaient souvent réduites à être des écoles professionnelles, l’idéal humboldtienne de l’université se base sur la vocation de former des esprits libres, de promouvoir la recherche pure et désintéressée. 

Wilhelm von Humboldt instaure une administration largement autonome et engage une liste impressionnante de professeurs, parmi lesquels on peut citer Friedrich Schleiermacher et Johann Gottlieb Fichte, qui influencent tous les deux le concept universitaire de Humboldt, ainsi qu'August Boeckh, Albert Thaer et Carl Ritter. 

L’université de Berlin, qui prit le nom d’Université Humboldt en 1949 en hommage aux deux frères, devient vite l’une des plus fameuses universités d’Allemagne. Ce modèle université traversa les siècles et exerça une influence considérable sur le monde entier. 

Le Cosmos

Ce n’est qu’en 1827, à l’âge de 57 ans, qu’Alexandre von Humboldt retourne s’installer définitivement dans sa ville natale. Depuis la fondation de l’Université de Berlin en 1809 à l’initiative de son frère Wilhelm, la capitale prussienne est dotée d’une institution scientifique solide et progressiste.

Par sa présence et son rayonnement européen, Alexander von Humboldt enrichit considérablement la vie intellectuelle berlinoise.

Il réunit notamment 458 savants allemands et européens au théâtre de Berlin en 1828 dans le cadre de l’assemblée des naturalistes et médecins allemands. Mais ce sont surtout ses cours sur le Cosmos (Kosmosvorlesungen), tenus à seize reprises dans l’Académie de chant (Sing-Akademie) et accessibles à un large public à partir de 1827, qui marquent toute une génération d’artistes et d’intellectuels allemands.

humboldt- L'Académie de chant, vue de face (Singakademie)
L'Académie de chant, vue de face (Singakademie)
Eduard Gaertner, 1843, Huile sur toile, 29 x 33 cm, Neuwied, collection particulière
humboldt- Page titre du premier tome du manuscrit Cosmos
Page titre du premier tome du manuscrit Cosmos
Alexander von Humboldt, Eduard Buschman (scribe), 1844, Encre sur papier, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Allemand 232, © Bibliothèque nationale de France

C’est à Paris, autour de 1820, qu’Alexander von Humboldt commence à écrire en français son « Essai sur la physique du monde » Il a presque 80 ans quand il publie finalement en 1845, et dorénavant en allemand, le premier tome du Cosmos.

Cette œuvre se présente comme une synthèse des connaissances empiriques du monde, partant de ses propres observations datant de la fin du siècle précédent et mises à jour par les avancées scientifiques du milieu du XIXe. L’ouvrage se veut aussi synthèse des idées sur la nature et de l’histoire de sa perception, et synthèse enfin, de récits scientifiques et littéraires.

Le Cosmos, malgré le fait qu’il n’est pas complètement achevé, et le fait qu'au milieu du XIXe siècle l’idée de rassembler toutes les connaissances dans un ouvrage commence à paraître vaine, atteint en Allemagne un tirage record de 80.000 exemplaires. Il devient, grâce aux traductions en français, anglais, italien, néerlandais et espagnol, un événement européen, représentatif de l'importance prise par la science au XIXe siècle et de nouvel son ancrage dans la société.

Extrait du Cosmos / Alexander von Humboldt

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Premier tome du manuscrit Cosmos
Alexander von Humboldt, Eduard Buschman (scribe), 1844, Encre sur papier, Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Allemand 232, © Bibliothèque nationale de France

L'Altes et le Neues Museum

Musées publics

Contrairement à d’autres capitales de l’espace germanophone - Vienne, Munich, Dresde, Düsseldorf, Kassel -, Berlin n’avait pas de musée public dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. C’est, en effet, au cours de voyages que les jeunes Humboldt découvrirent la pratique – et l’atmosphere, le charme, l’utilité, le sens, la sacralité, le « mode d’emploi » - de ces institutions publiques dédiées à la peinture et à la sculpture antique. Ils n’y furent sans doute pas sensibles de la même façon l’un et l’autre.

Wilhelm et l'Altes Museum

Wilhelm von Humboldt se trouve étroitement associé au projet de création du premier musée public à Berlin. En 1829, il est nommé par le roi de Prusse président de la Commission du musée, chargée notamment de choisir les œuvres à exposer et de décider de leur agencement dans les salles.

Wilhelm conçoit, avec l'architecte Karl Schinkel, l'Altes Museum.  Au service des élèves de l'Académie de peinture, des étudiants en histoire de l'art de l'université, et plus généralement de toute la société berlinoise, l’Altes Museum est un lieu emblématique du concept de Bildung - la formation de soi à travers l'art.Inauguré le 3 août 1830, l’Altes Museum expose principalement des sculptures antiques et des chefs-d’œuvre de grands maîtres italiens, néerlandais et allemands.

Cette naissance du musée est certes tardive dans le paysage des musées européens, mais ce premier musée public de Prusse joue au XIXe siècle un rôle central dans l’émergence de Berlin comme capitale culturelle.

humboldt- La Rotonde de l'Altes Museum
La Rotonde de l'Altes Museum
Karl Emmanuel Conrad, 1834, Aquarelle sur papier, Stiftung Preußische Schlösser und Gärten, 3837a, © Potsdam, Stiftung Preußische Schlösser und Gärten

Alexander et le Neues Museum

Si le premier musée de Berlin, consacré à l’art européen, est conçu sous la direction de Wilhelm von Humboldt, la conception du deuxième musée, le Neues Museum, se fait sous l'influence intellectuelle de son frère Alexander von Humboldt.

Édifié comme une extension de l’Altes Museum, réliée par une passerelle, le Neues Museum était destiné à recevoir les collections des cultures du monde. Ce nouveau musée réunissait les collections égyptiennes du roi de Prusse, des objets ethnographiques, des monuments d’antiquités trouvés lors de fouilles régionales, des collections de moulages d’antiques, et le cabinet des estampes.

La création de ce nouvel établissement d’ambition universelle est un projet d’envergure européenne.

Humboldt-Le Neues
Le Neues Museum à Berlin, vue perspective de la cour du Musée égyptien
August Stüler, 1853, Gravure colorée sur papier, 27,5 x 37 cm, Berlin, Technische Universität, Architekturmuseum in der Universitätsbibliothek. © Berlin, Architekturmuseum TU
Humboldt- Le Neues Museum
Le Neues Museum
August Stüler, 1853, Encre noire, mine de plomb, 51 x 72 cm, Berlin, Technische Universität, Architekturmuseum in der Universitätsbibliothek, © Berlin, Architekurmuseum TU
humboldt
Le Neues Museum sur l'île des Musées : Coupe partielle avec vue perspective du Neues Museum
August Stüler, 1843, Encre noire, mine de plomb, aquarelle sur carton, 49,4 x 64,5 cm , Berlin, Technische Universität, Architekturmuseum in der Universitätsbibliothek, © Berlin, Architekurmuseum der TU Berlin

Autour de l'exposition virtuelle

Exposition au CROUS de Paris

En 2014, Paris Sciences et Lettres créait sa première exposition in situ, fruit d'une collaboration entre chercheurs et institutions prestigieuses en France et en Allemagne. Un an plus tard, PSL s'associait au CROUS de Paris pour donner une nouvelle forme à cette exposition, cette fois au milieu des étudiants. L'exposition s'est implantée dans les lieux de vie quotidiens des étudiants et personnels du CROUS, pour susciter leur étonnement et faire découvrir le parcours exceptionnel d'Alexander et Wilhelm von Humboldt.

Dates : 01 septembre 2015 au 18 décembre 2015

Tarifs : Gratuit 


Horaires : Ouvert au public du lundi au vendredi, de 9h à 16h30. 

Lieu : Centre Sarraih, 39 avenue Georges Bernanos, 75005 Paris

Catalogue de l'exposition

Les frères Humboldt. L'Europe de l'esprit, éd. De Monza, 2014, 200 pages.L'ouvrage ici présenté est le catalogue accompagnant l'exposition « Les frères Humboldt, L'Europe de l'Esprit » organisée par Paris Sciences & Lettres (PSL) qui a eu lieu du 15 mai au 30 juin 2014 à l'Observatoire de Paris. Le catalogue présente les frères Guillaume et Alexandre de Humboldt, intellectuels des Lumières allemandes, leur travail, leurs influences et leur postérité, au travers de cinq sections qui retracent les grands thèmes de l'exposition : « Matrix : racines familiales et actualité de l'Antique », « Res Publica : Révolution, Régénération », « L'Europe et le Monde : l'Autre comme horizon », « Morphologies : la partie et le tout » et « Savoir partager ! (savoirs partagés) ».

Au-delà de la documentation des pièces exposées (reproductions de cartes, d'écrits et d'objets), le catalogue est un ouvrage théorique qui inclut une dizaine d'essais rédigés par d'éminents spécialistes. Des encadrés rédigés par Laurence Bobis, Directrice de la bibliothèque de l'Observatoire, permettront aussi de faire le point sur des questions biographiques, politiques ou scientifiques particulières.

Destiné au grand public, aux visiteurs de l'exposition et à un public initié, l'ouvrage s'inscrit dans le prolongement de l'exposition et vise à mettre en avant les valeurs d'innovation, d'universalisme et d'ouverture au monde défendue par les frères Humboldt. Brillants esprits, l'un scientifique, l'autre littéraire, leurs travaux font montre de leur profond humanisme ainsi que de leur vision d'une Europe unie, fondée sur le progrès du savoir.

Disponible sur toutes les plateformes de vente en ligne et à la libraire l'Ecume des pages (174 Boulevard Saint-Germain, 75006 Paris). 

À propos

Cette exposition virtuelle a été conçue comme le prolongement de l’exposition Les frères Humboldt, l’Europe de l’Esprit, réalisée à l’Observatoire de Paris du 15 mai au 11 juillet 2014.

Les frères Humboldt illustrent les communes valeurs qui unissent la France et le monde germanique par-delà les remous de l'Histoire : la fascination pour l'Antiquité, l'apologie du rationalisme, l'universalisme. Faire revivre, au travers de ces deux frères, l'effervescence intellectuelle d'une époque où tout est possible, montrer leur capacité d'innover, leur engagement, leur ouverture au monde, telle est l'ambition de cette toute première exposition à leur être consacrée, la première aussi qui soit montée par l'Université de recherche Paris Sciences et Lettres.

En se plaçant sous cette double figure tutélaire littéraire et scientifique des frères Humboldt, PSL fait sien l'idéal académique qu'ils ont défendu : une université qui repose sur l'excellence scientifique, qui revendique un modèle de formation par la recherche, qui embrasse toutes les disciplines, de l'astrophysique à la création artistique, des mathématiques aux humanités classiques.

Téléchargez le dossier de presse

 

Commissariat scientifique de l'exposition in situ

Bénédicte Savoy, Professeure d'histoire de l'art à Berlin

David Blankenstein, diplômé en histoire de l'art et en muséologie

 

Organisateurs de l’exposition

Paris Sciences et Lettres Research University (PSL), en partenariat avec le Labex TransferS.

 

Comité scientifique

Sous la présidence de Marc Fumaroli, de l'Académie française.

  • Elisabeth Beyer, attachée du livre à l'Ambassade de France en Allemagne
  • Laurence Bobis, directrice de la bibliothèque de l'Observatoire
  • Monique Canto-Sperber, présidente de Paris Sciences et Lettres Research University
  • Barbara Cassin, directrice de recherche au CNRS
  • Michel Espagne, directeur du Labex TransferS
  • Ottmar Ette, professeur à l'Université de Potsdam
  • Christine von Heinz, propriétaire des archives et du château de Tegel
  • Ulrich von Heinz, propriétaire des archives et du château de Tegel
  • Eberhard Knobloch, professeur émérite de l'Université technique de Berlin
  • Michelle Lenoir, directrice de la Bibliothèque centrale du Muséum national d'histoire naturelle
  • Henri Loyrette, conseiller d'Etat
  • Daniel Marchesseau, conservateur général honoraire du patrimoine
  • Hermann Parzinger, président de la Fondation du patrimoine culturel prussien (SPK)
  • Jürgen Trabant, professeur émérite de l'Université libre de Berlin 

Remerciements

Marc Fumaroli et Monique Canto-Sperber souhaitent remercier :

  • Madame Susanne Wasum-Rainer, Ambassadeur d'Allemagne en France
  • Monsieur Louis Gallois et Monsieur Louis Schweitzer, les deux Commissaires généraux à l'investissement
  • Monsieur Claude Catala, Président de l'Observatoire de Paris
  • Les membres fondateurs de la Fondation Paris-Sciences et Lettres Les membres du Labex TransferS et son directeur Michel Espagne
  • La République des Savoirs et son directeur Antoine Compagnon

Ainsi qu'Emmanuel Suard et Hubert Guicharrousse (Berlin, Ambassade de France en Allemagne), Hinrich Sieveking (Munich, collection Winterstein), Heinrich Schulze Altcappenberg (Berlin, Kupferstichkabinett SMB-PK), Isabelle le Masne de Chermont (Paris, BNF), Caroline Noyes et Gabriel Carlier (Paris, MNHN), Manfred Gräfe et Cornelia Gentzen (Berlin, Stiftung Stadtmuseum, Humboldt-Sammlung Hein et Hausarchiv), Hans-Dieter Nägelke et Claudia Zachariae (Berlin, Technische Universität, Architekturmuseum), Stéphanie Baumewerd, Annick Trellu et Philippa Sissis (Berlin, Technische Universität, Instistut d'histoire de l'art), Elisabeth Michel (Berlin), Sandrine Maufroy (Paris, Université Paris 4-Sorbonne), Emilie Oléron Evans (Londres, Queen Mary, University of London), Marie-Ange Maillet (Paris, Université Paris 8-Saint-Denis), Vincent Platini (Berlin, Freie Universität), Leah Stearns (Monticello, Thomas Jefferson Foundation at Monticello).

 

Coordination du projet et commissariat général

Hélène Chaudoreille

Annael Le Poullennec

Véronique Prouvost

 

Réalisation de l'exposition virtuelle

Nathalie Figueroa

Avec l'aide de

L'équipe du Pôle Ressources et Savoirs, PSL.

Dimitri Le Meur, ENS.

 

Voix enregistrées - lecteurs

Thomas Claret, Alice Billon, Anne Buers

 

Crédits thématiques du site

  • Gottlieb Schick, Wilhelm von Humboldt, 1808, huile sur toile, 86 x 66 cm, © Berlin, Deutsches Historisches Museum
  • Henry William Pickersgill, Alexander von Humboldt, 1831, huile sur toile, 142,2 x 109,2 cm © Bridgeman Art Library
  • Johan Weitsch, Humboldt et Bonpland au pied du Chimborazo en Equateur, 1806, Huile sur toile, 163 x 226 cm © BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / Hermann Buresch
  • Wilhelm von Humboldt, Anleitung zur Entwerfung einer allgemeinen Sprachkarte [Instructions pour la réalisation d'une carte générale des langues], annexe à une lettre à Goethe du 15 novembre 1812, encre sur papier, © Weimar, Klassik Stiftung Weimar, Goethe und Schiller-Archiv