Chapitre 2

Début de carrière

De la Montagne Sainte Geneviève à Sorbonne-Plage

De retour de Cambridge en 1898, Langevin rejoint à Paris la communauté intellectuelle qu’il avait fréquentée au cours de ses études. Il retrouve ses amis Pierre et Marie Curie qui vont bientôt recevoir le prix Nobel (1903), le chimiste Georges Urbain, ancien camarade du lycée Lavoisier et de l’Ecole de Physique et de Chimie, le physicien Jean Perrin et de nombreux autres normaliens dont le mathématicien Emile Borel. La défense du capitaine Dreyfus lors de la grande affaire politique du tournant du siècle a soudé la communauté autour d’un idéal social et humaniste : ils sont pacifistes, laïques et progressistes, opposés à tous les racismes et nationalismes.

Ils travaillent tous dans les établissements scientifiques rassemblés sur la montagne Sainte Geneviève, dans le quartier latin, autour du Panthéon : l’Ecole normale supérieure, la Sorbonne, le Collège de France, l’Ecole Municipale de Physique et de Chimie.

Cette proximité géographique favorise les échanges intellectuels aussi bien que les liens personnels. Jean Perrin, son ancien préparateur d'agrégation, est aussi son témoin de mariage avec Jeanne Desfosses en 1898. Les Perrin et les Curie habitent des maisons voisines. Tous se réunissent régulièrement chez les Perrin ou les Borel, lors de soirées animées et joyeuses que fréquentent aussi Charles Péguy, Léon Blum, Paul Valéry, Jean Rostand, Paul Painlevé et bien d’autres scientifiques, littéraires ou artistes.

Familles Langevin et Perrin
Paul Langevin et Jean Perrin en famille, vers 1905
Paul Langevin en famille vers 1900
Paul Langevin en famille sur une plage du nord, vers 1900

C’est aussi la belle époque de Sorbonne-plage, plaisant surnom donné à l’Arcouest, petit village de pécheurs en Bretagne face à l'île de Bréhat où ils aiment se retrouver pour passer des vacances simples et chaleureuses et de la petite « coopérative d’enseignement » où Marie Curie, Jean Perrin et Paul Langevin donnent à tour de rôle des cours de physique, de chimie et de mathématiques à leurs enfants.

A l'avant-garde scientifique

Par son parcours atypique, Langevin est parvenu à se constituer une formation complète dans tous les domaines de la physique. Il maîtrise aussi bien les procédés expérimentaux et même techniques que les formulations mathématiques et les approches théoriques les plus avancées.

Il est surtout, par ses études et par ses liens personnels, en contact étroit avec les pionniers de la physique de l’atome : à Cambridge, J. J. Thomson et ses étudiants, et, à Paris, ses anciens professeurs et désormais amis. Tout près de lui, en 1895, Jean Perrin réussit à démontrer la nature électrique des rayonnements cathodiques, et, en 1898, dans un certain hangar de l’EMPCI, bien connu de Langevin, Pierre et Marie Curie découvrent la radioactivité à partir des propriétés de rayonnement de l’uranium.

La découverte du radium, 1898
Marie et Pierre Curie et leur collaborateur Gustave Bémont posent dans le hangar de l'EMPCI, lieu de découverte du Radium en 1898.

Au congrès international de physique de Paris en 1900, Langevin se charge de la traduction et de la présentation du rapport de J. J. Thomson sur l’ionisation des gaz et la constitution électronique de la matière. Deux ans plus tard, dans la continuité de ses travaux au Cavendish Laboratory, il soutient à la Sorbonne sa thèse de doctorat en physique intitulée Recherches sur les gaz ionisés.

La thèse de Langevin reçoit un très bon accueil, aussi bien en France où Marcel Brillouin en fait un rapport élogieux à l’Académie des sciences, qu’à l’international où elle suscite l’intérêt de savants de premier plan, comme Hendrik Antoon Lorentz.

Une carrière prometteuse

La carrière de Paul Langevin est lancée, sa progression s’annonce fulgurante. Dès 1902, il est nommé professeur suppléant d’Eleuthère Mascart, titulaire de la chaire de Physique générale et expérimentale au Collège de France. Il lui succèdera définitivement à ce poste prestigieux en 1909.

En 1904, à seulement trente-deux ans, il est le seul représentant de la France aux côtés du célèbre mathématicien Henri Poincaré au congrès international de physique organisé à St Louis. Il y fait une communication très remarquée sur la physique des électrons, considérée comme l’une des plus importantes avec celle que présente Ernest Rutherford sur la radioactivité. De fait, les deux anciens confrères du Cavendish se sont concertés au préalable pour se répartir les sujets et ainsi renforcer la cohésion de leurs exposés.

En 1905, Pierre Curie, nommé titulaire de la chaire de physique générale à la faculté des sciences de Paris, propose Paul Langevin pour le remplacer en tant que chargé de cours à l’EMPCI.  Dès l’année suivante, il devient Directeur d’études de l’école. Dans la même période, il commence à donner des cours de physique à l' École normale supérieure de jeunes filles de Sèvres, tout comme Marie Curie.

Lettre de Paul Langevin à Ernest Rutherford, 1904
Lettre de Paul Langevin à Ernest Rutherford sur l'organisation du congrès de St Louis, 1904
Paul Langevin et ses élèves au Collège de France vers 1909
Paul Langevin et ses élèves au Collège de France vers 1909

Bibliographie

A propos